1. Catherine du Puy du Fou reçoit François 1er. Avant que les portes de la "Nuit" ne se referment sur elle, elle feuillette une dernière fois le grand livre de ses Souvenirs. Comment avait-elle pu craindre François ? Un homme séduisant… Catherine avait voulu fêter somptueusement la venue du roi François et de la reine Éléonore. Catherine, trop émue, n’était plus elle-même. Après que chacun se fut rafraîchi les mains dans un bassin d’eau parfumée, serviteurs et servantes avaient présenté aux yeux et aux estomacs émerveillés des convives : des pigeonneaux, des faisans, des poulets aux vinaigres, des lapereaux, des tourterelles, des pâtés de cailles… Comme entremets, des Bohémiens avaient donné un combat de coqs… Le Roi, visiblement enchanté, avait ri, avait applaudi à tout rompre, avait même invité Catherine et François à se rendre à Fontainebleau… Elle rouvrira son grand livre des Souvenirs… Dans les brunes matinales et froides de novembre, avec mes compagnons de travail, il fallait "aller dans les choux". Un lourd et épais tablier, un sac de balle soutenu par des ficelles nous protégeait aussi de l'humidité. On raconte qu'une grande famine avait sévi vers 1680, au temps de Louis XIV (1638-1715), à cause des pluies abondantes.Souvenirs de Dame Catherine du Puy du Fou (1/3).
La lumière du soir pénètre à flots dans la chambre.
Par la fenêtre, Catherine contemple la paix fleurie du jardin, la terrasse rouge le long de l’étang…
Dehors règne le printemps, son dernier printemps…
Dans son âme, dans son corps, règne l’hiver…
Son entourage a beau lui mentir, elle sait bien qu’elle vit les dernières saisons de son existence.
Elle revoit ce jour radieux de l’an de grâce 1527, où, toute jeune fille, elle épousa François II du Puy du Fou.
Elle se rappelle son émotion, son angoisse même…
Il lui fallait quitter la douceur rassurante d’un foyer, la protection affectueuse de parents attentifs pour s’en aller partager la vie d’un inconnu…
Si vieux déjà…
Il avait plus de trente ans… !
Elle sourit en évoquant ces puériles inquiétudes.
François, si attentionné…
François, vingt ans d’une vie pleine et intense : des enfants, des voyages, un château, "son" château… des visites prestigieuses…
Comme celle du "Roi François 1er revenant de Bayonne passer la nuit au Puy du Fou".
Comme il est encore vivant devant ses yeux, le roi François…
Un géant à la carrure imposante…
Des yeux sombres et vifs, des mains admirables, un sourire à faire chavirer les cœurs.
D’ailleurs, elle avait entendu dire que plus d’une belle avait cédé au charme de Sa Majesté…
Mais elle était une épouse fidèle et ne pensait qu’à ses devoirs d’hôtesse.
Elle voulait que le Roi se souvînt de sa visite au Puy du Fou, qu’il appréciât l’hospitalité de son ancien compagnon d’armes en Italie.
Des jours et des jours de fébriles préparatifs !
Le château était décoré de fleurs, le sol était jonché de feuilles fraîches en signe de bienvenue.
Dans la cour d’honneur, les oriflammes ornées de salamandres, claquaient au vent d’été.
Soudain, entre une double haie de paysans qui manifestaient une joie exubérante, le carrosse royal s’était avancé, lentement tiré par six chevaux empanachés.
Comme dans un rêve, elle avait vu descendre le couple royal qu’elle avait salué…
Le Roi qui la relevait, la complimentait sur sa jeunesse et sa beauté…
Puis leurs Majestés avaient pénétré dans la grande Salle pour participer au festin, qu’en bonne maîtresse de maison, elle avait minutieusement ordonné.
Spectacle que n’appréciait guère Catherine, mais que Sa Majesté prisait fort…
Ensuite des ours avaient dansé…
Puis le second service s’était avancé : des gâteaux découpés en fleurs de lys, des pains de Milan, des fromages, des tartes, des plats de gaufres, des confitures, des gelées, des dragées, des fruits…
Le repas terminé, des joueurs de buccins et de flûtiaux avaient escorté toute l’assemblée vers l’étang où les équipages de deux barcasses s’étaient affrontés en une joute colorée.
Catherine ressent encore la joie et la fierté qui l’inondèrent en ce jour de juillet 1530…
Mais elle se sent lasse, soudain…
Il faut qu’elle laisse sa mémoire en repos…
Plus tard…
Beaucoup plus tard…Les choux
Je m'en souviens….
Nous allions par les chemins creux impraticables, emportant sur notre dos les "rotes" (liens faits de branches) qui devaient servir à fagoter.
Avant de nous enfoncer dans les rangées de choux pour cueillir les feuilles, nous avions pris soin d'entourer nos jambes de pailles pour les garder sèches et chaudes.
Et puis avant "le repas de l'après-midi", l'un d'entre nous retournait à la ferme chercher la charrette pour rentrer les fagots laissée au bout des sillons.
Accompagnés d'un morceau de lard, les choux consistent un mets encore très apprécié.
Pour devenir centenaire, il fallait, paraît-il, manger des choux !
Le seigle avait germé, les moissons étaient perdues.
A Paris, 150.000 personnes mourraient de faim.
L'ouest de la France avait moins souffert.
En effet, notre région avait été épargnée grâce aux "choux vert" et aux navets.
Jacques Maupillier (garde)