Art de tranchée. *
On désigne par le terme "art de tranchée" tout article fabriqué durant le conflit et dans les années qui ont suivi par des soldats, des mutilés, des prisonniers de guerre, des civils, voire des industriels, directement à partir d’un matériel de guerre ou de quelque autre matériau, pourvu que l’un et l’autre soient temporairement et/ou spatialement associé au conflit armé ou à ses conséquences.
Jusqu’à la Première Guerre mondiale (1914-1918), la durée des conflits était en général assez réduite.
Sauf lors des sièges, les batailles étaient rapides, et les militaires ne restaient pas longtemps dans l’attente du combat.
Avec la première guerre mondiale et la mise en place des tranchées, les soldats attendaient, retranchés dans leurs galeries.
Au départ très spontané, l’artisanat de tranchée prit rapidement beaucoup d’ampleur.
A l’arrière des combats lors du repos, dans les camps de prisonniers ou pendant leurs temps "libres" dans les tranchées, pour s'occuper l'esprit, les soldats créèrent des œuvres d’art à partir de vestiges de la guerre tels que des balles et des douilles d’obus jetées, les arbres sont abattus.
Ils récupèrent aussi les métaux venant de l’équipement individuel :
aluminium des quarts, gamelles, cuivre des boutons…
Au début du conflit, l’autorité militaire autorisera la récupération de matériaux de faible valeur comme en témoigne cette lettre du Général Joffre (1852-1931) de juin 1915 :
…//…
"Mon attention a été appelée sur l’intérêt qu’il y aurait à accorder aux militaires l’autorisation de conserver par devers eux, comme trophées, des objets pris sur le champ de bataille.
J’ai décidé que les objets de faible valeur pécuniaire et ne présentant que l’intérêt du souvenir pourraient être laissés en la possession de ceux qui les ont recueillis, avec l’autorisation du chef de corps et sous réserve que ces objets seront envoyés immédiatement vers l’arrière aux frais de l’expéditeur.
Seuls les casques, les insignes de grade, les boutons d’uniforme, les débris de munition ne renfermant pas de substances explosives et d’un poids inférieur à 500 grammes pourront être conservés.
Les autres objets (armes, munitions, matériel de guerre, effets d’habillement et d’équipement, harnachement, papiers militaires et personnels, argent, bijoux, etc.) resteront soumis à la réglementation en vigueur et seront toujours remis aux autorités ou services qualifiés pour les prendre en charge.
Les objets concédés demeureront la propriété personnelle du détenteur et ne devront donner lieu à aucun trafic.
Je vous prie de vouloir bien porter ces dispositions à la connaissance des troupes et services placés sous votre commandement"
…//…
C'est le laiton (mélange de zinc et de cuivre) qui est le plus utilisé, car on le trouve partout (il y a des millions de douilles de 75 …) et il est modelable par simple martelage.
Parmi les soldats, nombreux étaient des travailleurs manuels :
ébénistes, menuisiers, maréchaux-ferrants, ferblantiers, zingueurs, orfèvres.
Les soldats français considéraient l’art des tranchées comme "objets" souvenirs du service.
Souvenirs ou décoratifs, ils fabriquaient divers objets tels que :
Bagues, vases, briquets (plus discret d’utilisation que l’allumette quand on était en première ligne), pipes, coupes papier, boites à bijoux, tabatières, objets de piété, maquettes d’avions et autres…
Le canon de 75, le "canon de la victoire", symbole patriotique, sera fréquemment représenté sur les douilles d’obus.
Le char Renault FT 17 ou les Mark britanniques servira de modèle aux soldats qui en font des tirelires, des encriers, des jouets.
Vivre dans les tranchées où la mort est omniprésente génère chez les soldats une angoisse qui pousse nombre d’entre eux à trouver refuge dans la foi.
Ce regain de religiosité s’exprime à travers les objets fabriqués comme des crucifix fabriqués à partir de cartouches.
D'autres objets étaient destinés pour être échanger au front, ou vendre à l’arrière.
Parfois, dédié à la famille ("réel souvenir du front "), les objets étaient chargés d’émotion et de sentiment, et était parfois le seul souvenir tangible qu’ils laisseront à leur famille.
Les familles endeuillées conservaient pieusement la mémoire du disparu grâce aux objets qu'il avait fabriqués ou aux objets achetés sur les lieux du décès qui deviendront les attributs d’un culte familial et privé.
Plusieurs techniques et méthodes sont utilisées pour la réalisation.
Les moyens sont succincts : couteau (faisant partie du matériel de base du combattant), marteaux de couvreur, burin, maillet, pince et tenailles et le casque (comme récipient pour fondre le métal).
L'estampage consistant à chauffer une pièce et l'installer dans une presse.
Les douilles pouvaient être remplies de braises afin de rendre le laiton plus souple pour le graver en profondeur.
Ciselure consistant à comprimer ou repousser la matière.
Certains décors sont ciselés à la molette et d’autres découpés puis collés sur les douilles.
La gravure consistant à retirer de la matière.
Mais à partir de 1917, du fait de la pénurie de métal, il est interdit aux soldats français de récupérer les obus, douilles pour se livrer à l’artisanat de tranchée.
Pour s’assurer du respect de cette loi, les "Poilus" sont fouillés avant de monter dans les trains de permissionnaires.
Mais certains continuent en gravant des obus allemands.
Pour les soldats allemands, il est rare de trouver des objets.
En effet, dès 1914, dans l'armée allemande, des "Waffensammel Offizier à la tête d’Etappen Sammel Kompagnie avait pour mission de la récupérer les munitions, cuivre, laiton et tous métaux en vue d’une réutilisation.
Après la guerre, ils rapportèrent de nombreuses pièces, où elles furent conservées dans les demeures familiales.
Mais le véritable "art des poilus" se maintiendra jusque 1919 avec les prisonniers allemands et leurs gardiens français chargés des activités de déminage.
Ensuite, après 1919, l’art "poilu" subsistât, mais sous forme industrielle.
Des usines fabriquaient de faux souvenirs pour les premiers touristes des "tranchées", pèlerinages des champs de batailles et deviennent des objets-souvenirs incarnant le temps du deuil, de la mémoire et des commémorations.
Le 137 RI * (Les amoureux de Verdun - Puy du Fou) *
Le 137e RI est le régiment de "la tranchée des baïonnettes" en juin 1916.
Le 137e régiment d'infanterie de ligne (ou 137e RI) est un régiment constitué en 1813 sous le Premier Empire.
Il se distingua pendant la campagne d'Allemagne (1813) et pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918).
Il sera décoré :
- Le 5 septembre 1914 de la légion d'honneur, de la croix de guerre 1914/1918 (deux palmes) "suite à la capture le 27 août 1914 d'un drapeau allemand et avoir fait prisonnier un chef de corps allemand".
- De la fourragère aux couleurs (vert/rouge),
- De la croix de guerre 1914/1918.
- De la croix de guerre 1939/1945 (une palme).
Son étendard, porte les noms de ses batailles.
En 1914, le régiment est en garnison à Fontenay-le-Comte et ses recrues viennent principalement de Vendée et de Loire-Inférieure.
Le 3 août 1914, il gagne la région de Sedan et se bat dans les Ardennes.
En 1915 sera pour le 137 RI, la bataille de champagne (Artois) ensuite Tahure (faisant partie des villages français détruits fin 1915).
Le 11 juin 1916, il est sur le front à Verdun sur la crête de Thiaumont ou la mort de 57 hommes du régiment donne lieu à l'épisode (légende) de la tranchée des Baïonnettes.
Du 23 octobre 1917 au 25 octobre 1917, il participera à la bataille de la Malmaison dans l'Aisne (fort de la Malmaison, situé à coté du chemin des Dames).
En 1918, il participe à la seconde bataille de la Marne.
Le 06 mars 1946 sera la dissolution du 137ème Régiment d'infanterie.
Le 2e Bataillon d'infanterie (2/137e RI) débarque en Algérie le 22 juin 1956 et y reste jusqu'en 1963.
Depuis 1963, le Centre militaire de formation professionnelle, basé à Fontenay-le-Comte, en Vendée, est le gardien des traditions et du drapeau du régiment.
De la légende à la réalité.
1. La légende
Juin 1916, le 137e R.I. s'apprête à lancer une attaque contre les lignes ennemies.
Les hommes ont mis la baïonnette au canon.
Ils s'apprêtent à franchir le parapet lorsqu'un obus allemand explose à proximité.
57 hommes sont ensevelis vivants par l'explosion, la terre ne laissant dépasser que les pointes des baïonnettes.
2. L'histoire
Du 10 au 12 juin 1916 les soldats essuient un bombardement intensif et repoussent les charges allemandes à coup de grenades.
Ceux qui ne réussissent pas à s'enfuir meurent les uns après les autres sous les balles, les obus et les gaz de combat.
A court de munitions, les rares survivants sont faits prisonniers par les allemands.
Les morts sont rapidement enterrés dans une tranchée devenue inutile.
Pour indiquer l'emplacement de la fosse, des fusils sont plantés verticalement faisant office de croix.
En juin 1920, des fouilles permirent d'exhumer 21 corps dont 14 seront identifiés.
Tous étaient allongés et désarmés confirmant les témoignages des anciens combattants du 137e RI.
Les 14 corps identifiés seront inhumés dans le cimetière militaire de Fleury-devant-Douaumont avant d'être déplacés à l'Ossuaire de Douaumont.
Les 7 corps non-identifiés reposent toujours dans la "Tranchée" et leurs emplacements est marqués par des croix blanches.
Cependant, malgré le mépris des anciens du 137 RI, un mémorial sera édifié et inauguré le 8 décembre 1920 au dessus la tranchée, dans le but de la protéger et de perpétuant la légende.