Le 14 novembre 1796
Le 14 novembre 1796, un lourd brouillard noie le château et les bois du Puy du Fou.
Il fait à peine clair, et pourtant que d’agitation dans les taillis !
Non, ce ne sont pas des chasseurs, mais les hommes du Marquis de Grignon (1775-1799), originaire de Pouzauges.
Il a ramené ses 300 combattants de la bataille des Aubiers et les gardes mobilisés.
Le 13 novembre, ils étaient à La Flocellière.
La gendarmerie, qui les suit à la trace, n’a pas osé les attaquer.
Ils sont arrivés cette nuit en passant par Saint-Mars.
Les hommes battent des bras pour se réchauffer.
On vient d’éteindre les derniers brûlots dans les ruines du château féodal.
De temps en temps, le hululement de la corne à bouquin ponctue le silence…
Mais voilà qu’arrivent essoufflés les guetteurs de service.
Les Bleus sont dans le bourg.
Quelqu’un a dû les renseigner.
Ils viennent par ici.
Aussitôt, chacun prend son fusil et gagne son poste.
Le commissaire de Pouzauges raconte à sa manière :
"Aux Epesses, nous aperçûmes une douzaine de scélérats qui se sauvèrent à toutes jambes du côté du Puy du Fou.
La troupe les poursuivit…
Presque toutes les forces des brigands, qui étaient embusqués, sortirent lorsque nos troupes furent à portée de fusil.
La fusillade ne fut vive qu’un instant.
Nos troupes prirent la fuite.
Il fut impossible aux chefs de les arrêter.. ".
De son côté, le Général Travot (1767-1836) lui-même complète les détails :
"Le commandant (républicain) de Pouzauges a été complètement mis en déroute.
Il a perdu un capitaine et 30 à 35 hommes…
Voilà une grande perte qui sera peut-être difficile à réparer, car ces résultats donnent de l’audace aux rebelles ".
Et il conclut en réclamant des renforts et entre autres :
"Il me faut des souliers, j’en veux ; vous m’en devez 400 paires, il me les faut.
Est-ce l’occasion de donner de petits prétextes, quand il s’agit de sauver le pays ?".
Déjà, dans ce bocage, des problèmes de "godasses" !
Le même général Travot rouvre sa lettre pour raconter, en compensation, la revanche des Bleus contre les Blancs.
"Le poste des Herbiers, renforcé de celui des Essarts, a attaqué hier à Chambretaud, la bande de Grignon forte de 900 hommes…
Il l’a défaite complètement, et lui a tué au moins 50 hommes, parmi lesquels se trouvent Grignon et son aide-de-camp.
Nous avons eu 5 tués et 4 blessés".
Alexis Guitton, agent municipal de Chambretaud, constate, que :
"Le combat s’est livré, aux environs du Calvaire, près de la métairie de la Grange, sur les onze heures du matin.
Les insurgés étaient commandés par Louis de la Roche Saint-André (1753-1794), de la Grassière, et Roch-Sylvestre Grignon (1775-1799), de Pouzauges.
Ce dernier a été tué le 18 novembre 1799 et a été inhumé au lieu où il a été trouvé mort, avec 18 ou 20 autres des deux partis ".
Le commissaire du directoire exécutif Poupeau, de Fontenay, précise de son côté :
"Notre troupe a essuyé le premier feu des Chouans, qui lui a tué quatre hommes.
Mais notre charge à la baïonnette les a enfoncés et culbutés, et leur a tué 80 hommes, dont Grignon ".
La date du coup de Chambretaud est imprécise.
Pour certains, c'est le lendemain du Puy du Fou, le 15 et pour d’autres le 17 ou 18.
Comme on parlait encore de Brumaire An 8, les calendriers s’embrouillaient.
Plus sûre est l’histoire de la lettre récupérée sur Grignon mourant.
Son ami Charles de Beaumont d’Autichamp (1770-1859) lui recommandait :
"Tiens toujours ton monde rassemblé ; je te dirai ce que m’a écrit Hédouville ; en attendant j’écris à Jérôme Delaage (1720-1804) pour qu’il ne t’inquiète pas… ".
Cette correspondance, général républicain Gabriel de Hédouville (1755-1825), au chef vendéen, fit impression dans la troupe des Bleus.
Ils criaient à la trahison.
En réalité, il semble que sans esprit de trahison, des bonnes volontés essayaient, de part et d’autre, de nouer les fils d’une négociation.
Malgré le traité de la Jaunaye signé en 1796, Gabriel Chénuau, des Epesses, pourra encore réclamer des troupes pour rassurer la population qui, dit-il, est très effrayée :
" Le soir, on entend souvent les cornes à bouquin", dites aussi "cornes bruyantes.
Elles sont des appels au loup, à ce qu’on prétend ".
Et c’est vrai, à l'époque, il y avait encore des loups… !