Puy Story
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25 février 2019

Derniers souvenirs

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Un dimanche après-midi d'octobre, mon grand-père m'avait demandé de l'accompagner pour sa promenade habituelle aux environs de la ferme (sans savoir que ce serait la dernière).
Tout était calme dans la campagne.
Un soleil d'automne sans éclat accordait cependant à la nature une beauté bien qu'éphémère.
Les feuilles des arbres se détachaient au vent léger et des oiseaux s'envolaient en bandes furtivement vers le bosquet voisin.
Mon grand-père aimait parcourir les champs qui lui rappelaient tant de souvenirs.
Il n'avait jamais quitté ce coin de terre auquel il s'était attaché.

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Il connaissait tous les arbres centenaires témoins de son labeur, les chemins creux, les haies et les fourrés touffus les coteaux nappés de genêts.
A l'entrée d'un champ, son regard se porta sur un grand chêne.
Enfant, il avait joué sous son ombre en gardant le troupeau.
Plus tard, il était venu par les grandes chaleurs y faire la sieste.
Plus loin, il ne cessait d'admirer les sillons fraichement labourés qui s'alignaient droit devant nous.
Son regard perdu dans le lointain, il devint soudain triste.
Il ne disait plus un mot.
Je restais silencieux à côté de lui.
Je devinais l'émotion qui l'habitait au soir de sa vie.
Bientôt, il devait quitter les terres qu'il avait labourées, sa famille à qui il laisserait le patrimoine de ses ancêtres.

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Peut-être entrevoyait-il aussi le passé avec ses joies, ses souffrances, ses épreuves et l'espoir qui ne lui avait jamais manqué.
Il était resté homme de bien toute sa vie, en accord avec lui-même.
Il se confiait peu.
Peut-être de peur d'en dire trop.
Comme les paysans, il portait tout cela en son cœur.
Chez nous, l'âme du paysan a ses secrets.
La transmission de son exemple, de son courage et du patriotisme s'accomplissait ainsi sans parole.

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Au contact de mon grand-père, dès mon enfance, l'amour de la terre et la fierté du paysan s'étaient déjà enracinées en moi.
Cette vie qui s'harmonisait pleinement avec la nature m'agréait.
Les saisons amenaient la diversité de mes occupations.
Je ne puis vous d'écrire tout le charme poétique qui m'envahissait quand je traçais les sillons dans la glèbe ou lorsque je conduisais la charrette remplie de gerbes de blé.
Autour de moi un monde d'oiseaux et d'animaux familiers.

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Je me sentais heureux alors, insouciant, sans doute, inconscient peut-être.
Ma jeunesse ne voulait pas renier ce passé plein d'idéal, car mes pensées, mes aspirations ne s'arrêtaient pas au bout du chemin.
Mais peut-être se sont-elles révélées, et puis un jour,… "En cet été 1793…." .
Un événement déchirant est venu dans le bocage marquer la conscience des gens de mon âge…
"Je n'avais pas encore 16 ans, j'étais garde au Puy du Fou.
Avec mes frères et mes voisins, je m'en suis allé au combat, comme je m'en allais à l'ouvrage..
Avec les armes de la grange, la faux que l'avais emmanchée… droit pour en faire une baïonnette, la fourche qui me servait de pic, un aiguillon qui me servait de lance…
Je n'avais pas peur.
Ainsi que le disait mon père :
"Le courage s'accomplissait en moi comme la marche et la respiration.
Cependant, moi non plus, je n'avais rien pu faire…..
Les colonnes infernales de Turreau étaient passées.".

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J. Maupillier (garde)

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