Puy Story
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27 janvier 2023

Patrimoine et gastronomie

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Vous arrivait-il de pénétrer dans la grande cuisine de la ferme, un soir d'hiver ?
Alors que d'émerveillements !
De lumière, seule la flambée éclairait la pièce et faisait danser les ombres au rythme de la chanson de la marmite.
Une bonne odeur de soupe aux choux aiguisait notre appétit.

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On savait déjà que ces légumes bienfaisants accompagnés d'un bon lard répareraient les fatigues de la journée.
A midi, le plat de "mogettes" au milieu de la grande table était servi avec une bonne tranche de jambon, à la grande satisfaction de tous.
Toute l'année dans nos fermes du bocage, des "spécialités" venaient compléter les menus du paysan et ponctuer certaines fêtes.

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Je pourrais vous citer les gratons ou rillons, les boudins, la fressure toujours délicieuse dans le bocage et dont la cuisine attirait aux veillées d'hiver, bien des gens autours du chaudron.
A la Chandeleur c'étaient les crêpes ; à Mardi-gras, les tourtisseaux ou bottereaux ; à Pâques, la galette….. Nous ne passions pas l'Ascension sans les "caillebottes" et le mélange de la mie de pain avec le vin rouge appelé "trempine" aidait bien à supporter les chaleurs de la fenaison et de la moisson.
Un repas de "batterie" ne se terminait jamais sans la platée de mil (céréales secondaires domestiquées).

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Je voulais vous rappeler ces mots de chez nous.
Dans le passé, ils ont toujours été très appréciés.
Vous aussi vous n'avez pas oublié ce patrimoine gastronomique !!!

Jacques Maupillier (garde).

12 octobre 2020

Les batteries.

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Prendre le temps de vivre.
Se rendre compte des saisons qui passent… c'était autrefois !
Dans les travaux de la terre, la machine, aujourd'hui a effacé le temps des labours, des foins et de la moisson…
Je me souviens quand le blé était coupé.
Pendant plusieurs semaines, on suivait "la machine à battre" qui allait de village en village.
Alors quelles activités débordantes à la campagne pendant ces jours de "batteries" !!!
On rentrait les gerbes.
Il fallait nettoyer l'aire, remmancher les "grands dents" et autres râteaux, fabriquer les balais de boule (branche de bouleau).
Les femmes dressaient les tables dans la "loge" (hangar), sortaient et nettoyaient la vaisselle.
Et les enfants attendaient impatiemment la "veille au soir" l'arrivée de la machine que certains appelaient parfois "la mariée".
Le lendemain, quel remue-ménage à la ferme !
Les "mécaniciens" étaient levés de bonne heure pour chauffer la locomobile.
C'était ensuite l'arrivée d'une troupe de travailleurs qui venaient des fermes voisines donner un coup de main.
Chacun prenait sa place habituelle sur le pailler, sur la batteuse..
Les plus forts portaient les sacs dans le grenier.
Suivant l'importance de la ferme, on travaillait toute la soirée, parfois deux jours.
Les jeunes s'amusaient beaucoup.
A la fin du dernier repas, on distribuait des bouquets aux jeunes gens et jeunes filles qui venaient de "battre" pour la première vois.
Et puis, on dansait.
C'était vraiment la fête au village qui marquait la fin de ces durs travaux de la saison estivale.
Désormais, on allait attendre avec plus de sérénité les vendanges et les labours d'automne.
C'est peut-être pour cette raison que les "batteries" étaient considérées comme des vacances.

14 septembre 2020

Le train de plaisir

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Autrefois, j'avais de bonnes jambes et je n'étais jamais en peine pour me déplacer.
Cependant, j'ai toujours gardé un bon souvenir des randonnées en carrioles avec des jeunes de mon âge.
Quel plaisir de se retrouver ensemble dans ces charrettes bringuebalantes sur les routes défoncées et sur les chemins aux ornières profondes !
Pour transporter un nombre grandissant de personnes, la force de la vapeur allait suppléer "la plus belle conquête de l'homme".
Maintes fois, j'ai vu la petite locomotive à vapeur passer tout près de chez nous.
La fumée noire, la vapeur de la machine, les coups de sifflets répétés, le roulement cliquetant de la ferraille, le visage "encharbonné" du mécanicien aux lunettes toujours souillées tout cela nous était familier et accompagnait nos activités du quotidien.
Ce nouveau moyen de locomotion faisait le bonheur des habitants.
Sur le parcours, il s'arrêtait complaisamment pour prendre les voyageurs.
En raison de ces arrêts "facultatifs" fréquents, il avait toujours du retard, si bien qu'il était difficile de le manquer.
Il était bien sympathique…
On m'a même raconté que lorsque la côte était raide, il ralentissait démesurément.
Les gens pouvaient alors descendre cueillir le fruit ou la fleur de saison dans le buisson qui longeait la voie.
Parfois m'a-t'on dit encore, les voyageurs étaient sollicités pour soulager la locomotive.
On les priait tout simplement de descendre … ou de pousser à l'arrière (?).
On aimait bien de petit tramway.
Le soir, les employés déchargeaient à la gare les caisses de poissons venant tout droit des Sables d'Olonne.
C'était un spectacle attendu des enfants qui "seuls s'émerveillaient de toutes ces nouveautés", toujours en admiration devant le mécanicien, le chauffeur, le contrôleur et le chef de train.
Ceux-ci dormaient dans la petite gare du tramway et repartaient très tôt le lendemain après avoir fait chauffer les bouillottes des voyageurs.
En été, le dimanche et les jours de fête, je voyais le train s'avancer fièrement avec ses wagons supplémentaires.
Il acheminait vers la mer de joyeuses bandes d'estivants d'un jour.
Il fallait les voir envahir les wagons pour se montrer aussitôt à la vitre et agiter leur mouchoir ou leur canotier.
C'était le "train de plaisir".
A cette époque une chanson en patois était sur toutes les lèvres.
Elle racontait le voyage en train et les péripéties d'une journée aux Sables d'Olonne.
Mon père, très travailleur et très économe, n'appréciait pas ces voyages onéreux.
Il s'entêtait à ne pas écouter les sifflets des premiers trains.
Je l'entendais dire : "Regardez, les voisins ont pris le train de plaisir !".
Il ajoutait : "Ils jettent leur argent par la fenêtre !".
Le soir, ils revenaient enchantés de la journée passée à la mer, mais surtout du voyage en train…
Les anecdotes ne manquaient pas pour alimenter les conversations de la semaine.
La chanson raconte même que certains gais lurons attardés sur le remblai avaient dû rentrer à pied (?).
Je n'ai jamais pris le "train de plaisir".
Mais un jour… un matin de 14 avec des gars de ma classe un train nous a emmenés sur la nouvelle ligne inaugurée peu de temps avant.
Plusieurs d'entre nous montaient dans un wagon pour la première fois… ce fut aussi hélas la dernière pour un bon nombre !

17 août 2020

La Belle Histoire.

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Je voudrais vous raconter une histoire belle, émouvante qui prend ses racines dans notre pays (la Vendée).
En un mot, une histoire véridique.
Une petite fille de neuf ans et sa sœur d'une année plus âgée sont les héros principaux.
Leurs parents ont disparu dans la tourmente de 1793 et les voila fuyant les Mayençais, accompagnés de leur vieille gouvernante.
Elles quittent la Verrie pour rejoindre Mortagne puis Cholet.
"A la Loire, à la Loire !!".
C'est le cri que poussent femmes, vieillards et enfants après la déroute de Cholet.
Nous sommes le 18 octobre 1793 à Saint-Florent.
La Loire est sillonnée de barques et ses rives couvertes de fugitifs exténués.
Les deux enfants et leur gouvernante sont là, épuisés, les yeux hagards et mortes de faim.
Elles recherchent quelques nourritures.
Errant à travers les champs, elles découvrent quelques pommiers au loin.
Elles y courent.
En effet, quelques pommes en haut de l'arbre, mais si hautes !
Elles ramassent des pierres pour les faire tomber et soudain, un cavalier, un bleu à cheval se dirige vers elles.
Lui : "Que faites-vous ici, malheureuses ?".
Elles : "Ayez pitié de nous, nous venons de si loin et nous mourront de faim".
Lui : "D'où venez-vous donc"
Elles : "De la Vendée, de la Gaubretière. Nous allons ne cherchions que quelques pommes avant de franchir la Loire"
Lui : "N'ayez pas peur"
Le cavalier est touché par la jeunesse des enfants.
Se haussant sur ses étriers et avec son grand sabre, il fait tomber les pommes.
Lui : "Mes enfants, n'allez pas plus loin, ne passez pas la Loire, ce serait courir à une mort certaine.
Fuyez par ici et retournez chez vous".
Les années ont passés et les enfants ont grandi.
L'une d'elles s'est mariée.
Un beau jour, à son fils Paul, elle raconte son odyssée.
Le jeune garçon est tout à coup frappé par l'émotion qui saisit son père au fur et à mesure que se déroule le récit de sa mère.
Quand elle arrive à la scène des pommes, il voit jaillir de grosses larmes des yeux de son père qui tout à coup pousse un cri et se jette dans les bras de sa mère.
Lui : "Ah ! Ma chère femme, que Dieu est bon, ce cavalier, ce bon bleu….c'était… c'était moi !"
"Qui aurait dit alors, que l'une des petites filles que j'ai sauvée d'une mort certaine, serait un jour ma femme ?".
Ce petit Paul devint un jour député de la Vendée.

22 juin 2020

Les tisserands

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Lorsque je passais dans la petite ruelle qui me conduisait chez ma grand-mère, j'étais toujours intrigué par le travail des tisserands.
Dans cette impasse on en voyait presque toutes les portes.
Une fois, je m'étais arrêté pour regarder à travers les carreaux d'une petite fenêtre.
Le tisserand, un homme assez âgé, me reconnut.
Il sortit et me dit : "Entre petit, Viens voir de plus près".
Alors devant moi, je découvris un étrange assemblage de pièces de bois sur lequel s'enroulait des fils.
Avant d'aller reprendre sa place, le tisserand me disait encore :
"Ecoutes, petit.
Cette chemise que tu portes a appartenu à ton grand-père.
C'est ici qu'on a fabriqué le tissu.
Tiens, tu vois aujourd'hui, j'achève une paire de drap, pour tes parents".
Emerveillé, je l'écoutais et le regardais attentivement, installé à côté de lui, sur un petit banc, devant tous les fils tendus.
Depuis ce jour, le métier de tisserand n'eut plus de secret pour moi.
J'allais souvent de voir travailler dans son atelier étroit, au plafond bas, éclairé par une seule fenêtre.
J'aimais rester des heures, près de lui.
J'aurais bien voulu l'aider à étendre les fils de chaîne sur le métier, mais j'étais trop petit et l'opération trop délicate.
Un tisserand voisin et ami venait l'aider de temps en temps.
Le calcul de la longueur du fil, pour chaque pièce, n'était pas un problème pour lui.
Il fallait le voir, de sa main droite, envoyer la navette entre les deux nappes de fils régulièrement serrés les uns contre les autres.
Après un déclic bruyant, du battant qui tassait la trame, la main gauche renvoyait la navette dans laquelle une canette, à chaque allé et venue, se dévidait d'une largeur de la pièce.
Le travail du tisserand s'accomplissait à la même allure et les lisières du tissu qu'il confectionnait étaient toujours parfaites.
Les journées étaient longues…
Je me souviens… il se levait parfois dès trois heures de matin et lorsqu'il venait prendre un petit déjeuner avec sa famille, il aimait dire :
"Ce matin, j'ai fabriqué une aune de toile avant de venir".
Chaque dimanche dans l'après-midi, il s'en allait dans la campagne porter son travail de la semaine.
Je le voyais parti son rouleau de toile sur l'épaule droite.
Un bâton, sur son mouchoir à l'épaule gauche, l'aidait à supporter son lourd fardeau.
Dans les fermes, précédant la couturière, le tisserand était toujours attendu.
Il recevait un accueil qui souvent l'obligeait à accepter le partage de la table.
Le jambon, l'omelette… arrosés d'un vin très apprécié d'une année à l'autre.
Mais auparavant, il devait, avec la ménagère attentive, mesurer la toile qui demain allait devenir nappe, essuie-mains et "berne".
Les armoires étaient-elles bien garnies ?
Ne fallait-il pas chaque année prévoir une paire de draps épais un peu rudes entre lesquels le paysan se reposait si bien de ses fatigues de la journée.
Avant de repartir, selon la coutume, la fermière recevait un "bouchon de vaisselle" confectionné avec le surplus ou le reste des fils de coton.
Dans certaines communes, autrefois, on comptait beaucoup de tisserands.
Des valets de ferme dans les hameaux travaillaient sur le métier à tisser durant la mauvaise saison. Le reste du temps, ils reprenaient les travaux des champs.
Cela me fait plaisir de voir aujourd'hui des jeunes qui font revivre les métiers à tisser…
Ils y retrouvent la même joie de créer et d'accomplir les mêmes gestes que les tisserands d'antan.

15 juillet 2019

Patrimoine … médicinal

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Je revois encore le visage de cette femme se penchant sur mon lit.
Elle avait les cheveux grisonnants, ébouriffés et elle me fixait de ses yeux envoûtant.
Ses lèvres remuaient et ses mains s'ouvraient large devant moi.
Plus tard, on m'a appris que des gens avaient le don de guérir... quelquefois.
On les appelait "traiteurs, conjureurs".
Ils étaient très souvent les médecins de nos "grands-pères" et ils leur prodiguaient ce qu'on appelle encore maintenant" des remèdes de bonnes femmes".
A défaut de guérison, nos anciens pouvaient-ils prétendre à un certain adoucissement ?
Que ne fait-on pas habituellement en proie çà la souffrance ?
Alors, il ne fallait pas s'effrayer des recettes qu'on vous imposait.
Jugez-en plutôt.
Souvent dans les préparations, on trouvait des araignées, des rainettes, des vipères vivantes, des cataplasmes d'escargots, des limaçons, des crottes de chien blanc etc……
On soulageait les rhumatismes en se frottant avec de la peau de chat sauvage !
Pour guérir une méningite… un crapaud vivant emprisonné dans un bonnet de coton était appliqué sur le crâne !
D'autres méthodes moins terrifiantes étaient proposées.
Une prière à le Vierge faisait disparaître la fièvre ; des clous étaient enfoncés dans les chevrons d'une vieille maison.
Saviez-vous qu'il fallait mettre du sel dans sa poche pour passer une rivière quand on avait une plaie ?
Les recettes vous font sourire.
Trop souvent, devant les épidémies, les maladies graves, il manquait l'espérance à nos anciens.
C'est pourquoi ils se tournaient alors vers les charlatans, odieux par leur sorcellerie et leurs procédés mystérieux.
Autres temps, autres mœurs….
Mais le savoir du paysan en la vertu des plantes (véritable patrimoine) n'a-t-il pas fait son chemin ?
Pour guérir leurs maux, les hommes continuent donc à se tourner encore vers les plantes où elles sont encore à l'honneur dans bien des familles.

(Jacques Maupillier)

22 avril 2019

Quand on chantait !!!

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On chantait beaucoup dans notre bocage.
Tout l'environnement était source d'inspiration.
On chantait le travail du paysan, les métiers, les moulins, les animaux, les fêtes….
J'entends encore les vocalises des jeunes valets menant boire le bétail ou revenant des champs au crépuscule.
Leurs chants langoureux me séduisaient.
Que de fois aussi ai-je entendu "la chanson de toile" de la jeune fille de la ferme voisine.
A l'ombre d'un vieux châtaignier, elle exerçait sa voix argentine tout en filant la quenouille.
Les refrains s'unissaient aux chants des oiseaux d'alentour.
En toutes saisons, on entendait chanter le rémouleur, le marchand de peaux de lapins sur un ton monocorde, le sabourin à plein gosier, parcourant les rues de mon village.
Ils annonçaient leur passage pour solliciter la clientèle.
On chantait durant les travaux d'été.
On s'animait, on s'exaltait en chansons devant les derniers blés à faucher.
Le soir des vendanges particulièrement, après une journée bien remplie, les hommes s'assemblaient dans le cellier.

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Le verre à la main, la casquette en arrière sur un visage grimaçant, ruisselant et rouge, adossés aux barriques, les disciples de Bacchus se réjouissaient de cœur en chansons.
Les chansons rythmaient également les étapes de la vie.
Ma grand-mère avait la charge d'endormir le dernier nè de la famille.
Je la revois dans un coin de notre vaste cuisine et je l'entends encore chanter de sa voix chevrotante et cassée la même chanson qui nous avait endormis.
La tête courbée sur elle-même, elle sommeillait parfois avant mon petit frère devant le berceau aux rideaux amidonnés.
Je crois que nous avons tous appris nos premières chanson quand elle nous faisait sauter sur ses genoux.
Le dimanche, en fin de soirée, il n'était pas rare de voir les groupes de jeunes s'en aller en chantant comme des fous à travers la campagne.
Mais, c'est surtout les jours de noces que la chanson trouvait son opportunité.

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Pendant les repas, le vin aidant, toutes les voix se faisaient entendre. On assistait, alors à une cacophonie générale.
Le silence se faisait tant bien que mal et les meilleurs chanteurs et chanteuses étaient sollicités.
Aidé par "son papier", chacun piquait une pointe de fierté à chanter tous les couplets (30 à 40 parfois).
Le verre à la main, on entendait celui qui pouvait aller jusqu'au bout de sa chanson.
Et puis, après les compliments, venait la traditionnelle chanson de la mariée.
Le violoneux invitait ensuite à la dance.

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Les noceurs s'en donnaient à cœur joie et même souvent à "l'avant-deux" accompagnait la musique de leur chants rythmés.
C'est encore en chansons que l'on conduisait les époux à leur demeure.
Quand la fête était terminée, n'entendait-on pas dans la fraîcheur du matin ?
On battait "le charivari" quand un veuf ou une veuve se remariait.
Dans les bourgs, on appréhendait les groupes d'hommes extravagants voire grotesques qui déambulaient dans les rues.
Un tintamarre accompagnait toujours le cortège au milieu de cris et de chansons entrecoupées de "you! you!" qui effrayaient les enfants réveillés.
Ainsi, les chansons conduisaient les hommes à la croisée des chemins aventureux.
C'était la chanson du chevalier quittant sa dulcinée pour aller à la guerre.
C'étaient nos ancêtres qui "chantaient au long des haies des strophes de foi et de feu"….

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Au printemps de leur vie, les conscrits ramassaient les poules de village en village et sans se soucier de leur avenir, ils annonçaient à tous leur prochain départ sous les drapeaux.
Chansons d'hier…
Vieilles chansons folkloriques, cantilènes, chansons bachiques, mélodies ou romances mélancoliques, chansons à "ripouner", … je vous retrouve dans mon vieux cahier aux feuilles jaunies.
Malgré les craintes du lendemain incertain, malgré les soucis quotidiens qui pesaient lourd sur les cœurs, les chansons reprenaient le dessus et devenaient symboles d'espérance.

J. Maupillier (Garde)

25 février 2019

Derniers souvenirs

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Un dimanche après-midi d'octobre, mon grand-père m'avait demandé de l'accompagner pour sa promenade habituelle aux environs de la ferme (sans savoir que ce serait la dernière).
Tout était calme dans la campagne.
Un soleil d'automne sans éclat accordait cependant à la nature une beauté bien qu'éphémère.
Les feuilles des arbres se détachaient au vent léger et des oiseaux s'envolaient en bandes furtivement vers le bosquet voisin.
Mon grand-père aimait parcourir les champs qui lui rappelaient tant de souvenirs.
Il n'avait jamais quitté ce coin de terre auquel il s'était attaché.

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Il connaissait tous les arbres centenaires témoins de son labeur, les chemins creux, les haies et les fourrés touffus les coteaux nappés de genêts.
A l'entrée d'un champ, son regard se porta sur un grand chêne.
Enfant, il avait joué sous son ombre en gardant le troupeau.
Plus tard, il était venu par les grandes chaleurs y faire la sieste.
Plus loin, il ne cessait d'admirer les sillons fraichement labourés qui s'alignaient droit devant nous.
Son regard perdu dans le lointain, il devint soudain triste.
Il ne disait plus un mot.
Je restais silencieux à côté de lui.
Je devinais l'émotion qui l'habitait au soir de sa vie.
Bientôt, il devait quitter les terres qu'il avait labourées, sa famille à qui il laisserait le patrimoine de ses ancêtres.

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Peut-être entrevoyait-il aussi le passé avec ses joies, ses souffrances, ses épreuves et l'espoir qui ne lui avait jamais manqué.
Il était resté homme de bien toute sa vie, en accord avec lui-même.
Il se confiait peu.
Peut-être de peur d'en dire trop.
Comme les paysans, il portait tout cela en son cœur.
Chez nous, l'âme du paysan a ses secrets.
La transmission de son exemple, de son courage et du patriotisme s'accomplissait ainsi sans parole.

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Au contact de mon grand-père, dès mon enfance, l'amour de la terre et la fierté du paysan s'étaient déjà enracinées en moi.
Cette vie qui s'harmonisait pleinement avec la nature m'agréait.
Les saisons amenaient la diversité de mes occupations.
Je ne puis vous d'écrire tout le charme poétique qui m'envahissait quand je traçais les sillons dans la glèbe ou lorsque je conduisais la charrette remplie de gerbes de blé.
Autour de moi un monde d'oiseaux et d'animaux familiers.

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Je me sentais heureux alors, insouciant, sans doute, inconscient peut-être.
Ma jeunesse ne voulait pas renier ce passé plein d'idéal, car mes pensées, mes aspirations ne s'arrêtaient pas au bout du chemin.
Mais peut-être se sont-elles révélées, et puis un jour,… "En cet été 1793…." .
Un événement déchirant est venu dans le bocage marquer la conscience des gens de mon âge…
"Je n'avais pas encore 16 ans, j'étais garde au Puy du Fou.
Avec mes frères et mes voisins, je m'en suis allé au combat, comme je m'en allais à l'ouvrage..
Avec les armes de la grange, la faux que l'avais emmanchée… droit pour en faire une baïonnette, la fourche qui me servait de pic, un aiguillon qui me servait de lance…
Je n'avais pas peur.
Ainsi que le disait mon père :
"Le courage s'accomplissait en moi comme la marche et la respiration.
Cependant, moi non plus, je n'avais rien pu faire…..
Les colonnes infernales de Turreau étaient passées.".

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J. Maupillier (garde)

17 décembre 2018

Petits maux, petits remèdes

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Passant !
Lorsque tu chemines dans le pays du Puy du fou, ralentis ton pas.
Regarde autour de toi, regarde cette nature.
Nous, nous la contemplons avec respect.
Elle nous donnait tout.
La terre bien sûr, nous apportait le seigle, puis le labeur de l'homme faisait le pain.
Mais tant d'autres choses.
Sais-tu qu'au détour des chemins, la fleur jaune de la chélidoine ne nous échappait pas.
Le suc de sa gracieuse tige cueillie à l'été, soignait les verrues de génération en génération.
En notre temps, il y avait la fête aux semailles et à la Saint-Jean … et avec la joie dans les cœurs, mais nous traînions aussi avec la misère, la maladie… et point de médecin, à la ville bien sûr, mais pour nous autres la bonne mère nature !

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Que de fois ai-je vu les vieilles de chez nous "aller aux herbes", ramassant le tilleul, dans les grands carrés de lin, son infusion libérait de la fatigue du jour.
Et la valériane, "l'herbe aux chats" calmait le nerveux, si toutefois, il en supportait l'exécrable odeur.
Ah ! Oui, la nature nous donnait bien des remèdes quand l'oncle Jean de la borderie d'en bas fut pris d'entérite au printemps.
Je revois encore la tante Zélie préparant dans son mortier de bois, le cataplasme à la farine de lin, mélangeant l'huile d'amande douce et l'eau de vie… et il fallait garder le cataplasme froid sur le ventre un jour durant et les prières aidant, l'oncle Jean fut des nôtres pour le moi de Marie.
Pour l'entrée de l'hiver, le grand-père nous donnait pour nous fortifier, un petit verre de son quinquina.

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L'intendant, lui rapportait l'écorce de chez l'herboriste à la ville et le grand-père la laissait macérer dans une grande cruche avec un litre de "son" vin rouge.
Aux petits maux……les petits remèdes.
La fleur de bleuet en collyre quand les yeux étaient rouges aux battages.
La barbe de maïs en infusion.
L'armoise et sa feuille velue qu'une femme honnête n'aurait pas goûtée, puisqu'on la disait bonne pour les avortements.
Oui ! La nature était bonne pour les pauvres.
Mais qu'aurait-elle pu contre la typhoïde qui emporta mon pauvre cousin Henri, ou la fluxion de poitrine qui terrassa ma sœur cadette malgré les enveloppements et les bains glacés qui lui prodigua ma grand-mère.
On soignait le mal par la mal !

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La brulure par l'eau de vie, la fièvre par les bains d'eau chaude,….il fallait attirer le mal.
Et puis, il y avait toujours l'aide du Bon Dieu et l'on priait Saint Blaise pour les maux de gorge, Sainte Marguerite pour les douleurs de l'enfantement.
Et le curé de notre paroisse, le pieux homme, nous secourait parfois en apportant une petite fiole de "Baume Tranquille" qui lui fournissait une de ses parentes de la ville.
Fabriqué en jetant autant de crapauds vifs qu'il y a de livres d'huile et en mélangeant le tout à du laudanum (préparation a base d'alcaloïdes du pavot somnifère – vin d'opium) et au placenta d'un nouveau-né mâle d'une primipare (Femme ayant une première grossesse).

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Ne disait-on pas que ce baume guérissait 17 maladies ?
Oui ! En passant regarde-la bien cette nature, elle a soulagé tant de nos misères !

Jacques Maupillier (garde)

19 novembre 2018

Patrimoine.... Météorologique

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Chaque jour, avec les journaux, la radio, la télé, les prévisions du temps sont données sans aucun effort de recherche de votre part.
Autrefois, dans le labeur quotidien du paysan, le lever et le coucher du soleil, les quartiers de lune, les fêtes et les périodes du calendrier, tenaient une place importante, particulièrement dans les semailles et les récoltes, dans l'abattage du bois.
Ainsi, de tout temps, nos ancêtres ont-ils consulté la voute céleste, les astres, les nuages, le vent ….

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De ces observations, ils nous ont transmis des dictons où se mêlent les croyances, le charme et la poésie.
"Noël au balcon, Pâques aux tisons".
Une autre fête venait un peu plus tard confirmer le froid de l'hiver :
"Lorsque la chandeleur est claire, l'hiver vient par derrière".
Une semaine attendue était la semaine sainte.
On ne comptait pas sur un temps très clément pendant quelques jours et le dimanche des rameaux, le vent qui soufflait pendant la procession était le vent dominant de l'année.
Les rogations (les trois jours avant l'ascension) annonçaient le temps des principales récoltes de l'année.

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Le temps du premier jour était celui de la fenaison, le deuxième jour celui de la moisson et le troisième celui des vendanges.
Pas question de manger des cerises quand il avait plu à la Saint-Georges.
Savez-vous que la pluie de la petite Saint-Jean (6 mai) annonçait la pluie de la Saint-Jean (24 juin) et que les récoltes étaient souvent compromises ?
Certaines observations journalières rassuraient le paysan qui devait se rendre à son travail.
Ainsi, le soir, dans le ciel, le halo de la lune annonçait la pluie selon qu'il était "auprès" ou au loin".

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Le matin, le laboureur se demandait s'il pouvait se rendre à son travail.
"Pluie du matin n'arrête pas le laboureur en chemin..."
Ou encore
"Brouillard dans la vallée, va travailler…."
Peut-être douterez-vous, quand on vous dira :
"S'il pleut à la Saint-Médard, il pleut quarante jour plus tard…."
A moins que
"Saint Barnabé, vienne tout effacer…"

Jacques Maupillier (garde)

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