Histoire de la Grainetière.
Le côté gauche de la Grainetière n'est plus qu'une ruine, hélas !...
Mais assez fameuse tant par son histoire que par son architecture pour prendre place parmi les plus typiques églises bas-poitevine.
"Notre âme, disait le Père Monsabré, a de mystérieuses sympathies pour les ruines.
On dirait qu'en les voyants, nous voyons des amies...
Notre imagination vagabonde s'enfuit dans le passé.
Elle se mêle aux générations disparues, rebâtit les murs, redresse les colonnes, rejoint les arceaux et les voûtes, reconstruit l'édifice tout entier, jusqu'à ce que le bruit d'une pierre qui tombe l'arrache à son rêve et lui rappelle la réalité…".
Étymologie du nom : "La Grainetière" est citée de 2 manières dans les textes anciens.
GRANATARIA et GRANATERIA, ce qui signifie :
Terre à grain ou terre agraire, et indique donc un endroit fertile.
La plus ancienne mention qui en est faite est de 1100, si l'on en croit L. CHAPOT DE LA CHANOMIE.
Il semble vraisemblable qu'il y ait eu une habitation antérieure, peut-être à usage d'ermite, ou peut-être même un lieu de culte marial avec pèlerinage…
C'est aux environs de 1130, sous le règne du roi Louis VI que des religieux détachés de l'abbaye bénédictine de Fontdouce, en Saintonge, arrivent à La Grainetière, sur un emplacement concédé par Gilbert de LA CHAIZE.
De nombreuses donations furent faites ensuite à l'établissement par les seigneurs de la région.
Guillaume Foucher, sgr. des Herbiers, Chotard de Mortagne, Guillaume de Chantemerle, sgr de Pareds, Guillaume de Mauléon, Guillaume Juquel, et autres.
En 1145, le pape Lucius II érige en abbaye la nouvelle fondation.
Ce qui laisse supposer un certain nombre de religieux avec bâtiments et revenus suffisants.
Sur la foi de certains documents, d'aucuns avaient cru pouvoir reporter la fondation de ce monastère aux environs de l'an 1100, mais il semble qu'un examen critique des dits parchemins aurait prouvé qu'il fallait les rajeunir d'environ un siècle et que l'abbé Jean n'inaugura son abbatiat que vers 1201.
Les différentes datent peuvent aussi nous orienter vers une évolution de l'importance de l'abbaye.
La question reste posée.
Depuis les origines, jusqu'en 1790, l'Abbaye fut habitée par des religieux bénédictins.
Propriété nationale depuis 1790, l'abbaye est adjugée en 1806 à monsieur Louis René GUYET, pour la somme de 2.525 francs.
En 1798, Pierre AGERON, propriétaire à Fontenay-le Comte, achète pour la somme de 720 francs, la maison, cour et jardin servant à loger le desservant de l'Abbaye (la majeure partie en ruines).
De l'église abbatiale, chœur, transept et nef ont quasi complètement disparu à la suite d'un incendie, dit-on, vers 1820.
Mais, les ruines deviendront une immense carrière où chacun pouvait s'approvisionner à bon compte de matériaux de construction, le propriétaire lui-même donnant l'exemple.
Seules subsistent les deux absidioles du Sud et l'absidiole proximale du Nord.
Elles se composent d'une simple travée voûtée en cul-de-four et éclairée d'une baie centrale. Mais reprenons la route depuis les origines de la Grainetière.
Sur le carré du transept, soutenu par les robustes faisceaux de colonnes de granit des angles, s'élevait jadis une coupole que couronnait un clocher octogonal.
Le plein cintre voisin à la Grainetière avec l'arc brisé : les doubleaux des absidioles sont en tiers-point, mais les grandes arcades aveugles du chœur et les baies sont cintrées.
En fait, la construction de l'abbatiale se prolongea pendant plus d'un demi-siècle.
En 1180, l'œuvre était loin d'être achevée, puisqu'à cette époque, les abbés et religieux de Fontdouce, de la Tenaille, de la Grainetière, de Blanche-Couronne et de Lieu-Dieu en Jard adressaient encore une pressante exhortation aux ecclésiastiques et fidèles à contribuer, par leurs aumônes, à l'achèvement de l'église de la Grainetière qu'ils ont voulue "vaste et d'une remarquable architecture".
Vers 1210, l'abbaye est entierement construite et va exercer pendant plusieurs siècles un profond rayonnement spirituel, culturel et économique.
Au début du XIIIème siècle, Monbail nous a laissé une lithographie du monument tel qu'il l'a vu, dit que "les ruines de la Grainetière appartiennent à tous les styles".
Si, en effet, le cloître et les absidioles qui subsistent sont du plus pur roman, le carré du transept laisse voir des ogives, dont le dessin est malheureusement incertain, mais qui n'est pas sans évoquer le transept de certaines églises de transition, par exemple celui de Beauvoir-sur-Mer ou de l'ile-Chauvet.
Le chœur paraît aussi orné de nervures.
Le clocher, octogonal, mais très sobre, présentait une baie cintrée dans chacune de ses faces.
Beaucoup moins ouvragé que ceux de Parthenay-le-Vieux ou de Fenioux, il n'avait pour toute ornementation qu'une colonnette engagée à chacun des angles saillants ; une sorte de cordon mouluré contournait les baies et se profilait ensuite horizontalement sur chaque face aux deux tiers environ de la hauteur.
On ne manquera pas d'admirer la galerie de cloître aux fines colonnettes jumelées sur lesquelles le temps a mis sa patine et qui clôt à l'Ouest la grande cour d'entrée, donnant une impression de légèreté et de solidité à la fois.
Depuis plus de huit siècles, le dur granit de ses piliers a résisté aux intempéries et aux révolutions.
Ses élégantes colonnettes rondes avec lesquelles alternent, de loin en loin, de grosses piles carrées aux colonnes d'angle, ses chapiteaux sobrement sculptés sont d'une beauté et d'une grâce dignes de l'antique de Comminges, où elles portent des chapiteaux extrêmement fouillés.
D'époque contemporaine est le bâtiment élevé à la suite, près de l'entrée, dont la façade Sud est ornée de trois longues baies cintrées, modèle peut-être des chevets à triplet de la fin du siècle...
De l'autre côté de la cour, de grandes arcades cintrées dans lesquelles s'inscrivent des remplages gothiques indiquent la salle capitulaire.
Œuvre splendide aussi que cette salle dont les voûtes ogivales retombent sur quatre colonnes centrales qui la divisent en neuf travées.
Elle était jadis, paraît-il, beaucoup plus longue, les colonnes isolées étant au nombre de huit.
Vers 1372, plusieurs textes font état d'une attaque du monastère par les anglais au cours de la Guerre de Cent Ans.
On y apprend que la Grainetière est du nombre des abbayes fortifiées avec douves ou fossés longeant ses murailles, pont-levis, ainsi qu'un étang considérable.
Edifiée dans les premières années du XIIIᵉ siècle par Geoffroy, qui était en même temps abbé de Fontdouce, cette salle accueillit dans la suite de très hauts personnages.
Charles VII y fut reçu en 1425 et donna à l'abbaye le droit de capitainerie ; Henri IV y vint à plusieurs reprises ; de même, Louis XIII y passa en 1622.
En 1560, 1569 et 1574, l'abbaye fut pillée et saccagée par les gens de guerre de la nouvelle opinion.
La remise en valeur de l'Abbaye :
Le 2 avril 1946, les vestiges de l'Abbaye sont classés parmi les Monuments Historiques, grâce à l'action de Madame de CHABOT, qui s'occupa en outre des premiers et plus urgents travaux.
En 1963 se crée la Société Civile Immobilière de La Grainetière, qui devient propriétaire de l'Abbaye, et qui s'occupe depuis de sa restauration.
En 1966, les jeunes du séminaire des Herbiers et du juvénat des frères de Saint-Gabriel entreprennent le nettoyage des abords, le débroussaillage des assises, le tri des pierres de taille... et creusent en même temps le sol de l'abbatiale pour retrouver le tracé des murs.
Ce faisant, ils mettent à jour quelques tombes !
En décembre 1978, après 200 ans du départ des moines, l'Abbaye retrouve sa vocation monastique en accueillant définitivement une petite communauté de 5 à 6 moines de la Congrégation Notre-Dame de l'Espérance, sous l'obédience de Saint-Benoît.
Ils ont fondé ici leur sixième Prieuré, M. PILASTRE, vers 1920, a fait placer à l'intérieur de l'une des absidioles la pierre tombale sculptée, en calcaire, de Parthenay l'Archevêque.
Près de la porte de la sacristie, les niveaux auraient été baissés : des carreaux bleus auraient été trouvés.
Le long du mur restant de l'abbatiale, dans la nef, une tranchée aurait été faite pour assainir les murs de la ferme.
De nombreux ossements auraient été trouvés.
Vers 1963-1964, les frères du Boistissandeau ont mis à jour des sépultures, à l'angle extérieur nord-ouest du transept, dont les pieds touchaient le mur de l'abbatiale !
Donc tête à l'ouest et pieds à l'est.
En 1979, la Congrégation Notre Dame d'Espérance des "Moines Bénédictins" reprend possession des lieux.
En 1983, se constitue une Association des Amis de la Grainetière.
Cette association a décidé d'entreprendre des travaux de construction et de rénovation.