L'habitat en Vendée.*
C'est pour certain commun de dire qu'en Vendée tout a été brûlé pendant la Révolution.
Si on ajoute les châteaux-forts, démantelés sur l'ordre de Richelieu, et tout ce qui fut détruit durant les guerres de Religion, on en déduit qu'il ne reste plus rien de remarquable, comme demeures antérieures au 19ᵉ siècle.
Certes, les colonnes infernales avaient pour but de transformer la Vendée en désert.
Pour cela, on incendia un peu partout.
Dans les campagnes, on s'acharna très particulièrement sur les maisons neuves ou très récentes, comme le grand château du Parc Soubise, Touche près à La Pommeraie et Les Villates à Chantonnay.
Mais, heureusement, dans certains cas, les incendiaires allaient vite.
Ils avaient fort à faire et, alors que dans les bourgs les troupes étaient relativement nombreuses, on envoyait dans les châteaux et les fermes isolées des groupes plus faibles.
Or, à cette époque, dans nos campagnes, plus d'un tiers des terres était à l'état de landes et d'ajoncs.
C'est là que se réfugiaient les Vendéens en cas d'alerte et ces présences invisibles inquiétaient les bleus qui redoutaient toujours une embuscade.
Ils s'éloignaient donc dès le feu allumé et, sitôt leur départ, les Vendéens venaient l'éteindre, en commençant le plus souvent par le château.
Les dégâts étaient grands, mais les Vendéens parvenaient généralement à les réparer, au moins en partie.
Par ailleurs, les maisons nobles étaient très nombreuses.
Certaines, perdues dans le bocage, loin des routes, furent oubliées.
Enfin, les généraux républicains résidaient dans quelques belles demeures, qui furent donc épargnées.
Les guerres de Religion qui, deux siècles plus tôt, avaient été très dures pour les églises, épargnèrent en principe les maisons nobles.
De fréquentes parentés unissaient les gentilshommes protestants et les familles catholiques.
Et si, pendant les périodes de combats, des parents s'entretuaient quelquefois, lors des trêves, on se retrouvait et on hésitait à détruire la maison de parents ou d'amis, pour le seul motif qu'ils pratiquaient une religion différente.
Quant aux châteaux démantelés par Richelieu, on en parle beaucoup, mais les dégâts furent moins graves, en général, que l'abandon par leurs propriétaires des grandes forteresses devenues inhabitables.
Au moment de la révocation de l'édit de Nantes, beaucoup de gentilshommes protestants furent menacés de voir raser leur demeure s'ils ne se convertissaient pas.
Or, il semble bien que ce projet ne fut mis à exécution qu'une seule fois au manoir de La Grossetière près de Pouzauges.
Ce qui signifie que, finalement, la situation de la Vendée, en matière d'anciennes demeures, paraît être très comparable à celle des départements voisins.
En Vendée, les fortunes importantes seront rares du XVIe siècle au milieu du XIXᵉ siècle.
De ce fait, on construira peu de grandes demeures, mais plutôt des petits manoirs souvent pittoresques et relativement modestes.
Au cours du XIXe siècle, une évolution sensible se produit.
Les anciens châteaux-forts, qui ont cessé d'être entretenus depuis longtemps, se détériorent lentement.
Beaucoup sont encore debout après la Révolution, mais servent de carrière de pierre pour reconstruire les bourgs voisins dévastés par les colonnes infernales.
De plus, lors de la vente des biens nationaux, les principaux acquéreurs sont les bourgeois des villes.
Mal vus des populations rurales, ils préfèrent continuer à habiter leur maison.
Les anciens manoirs deviennent alors la résidence du fermier et se dégradent peu à peu.
La prospérité des familles terriennes, du milieu du XIXᵉ siècle jusqu'à la guerre de 1914, contribue aussi à la ruine des anciennes gentilhommières.
À cette époque, tous les notables veulent posséder leur château.
Le néogothique et la néo-Renaissance sont à la mode.
Beaucoup se croient déshonorés si leur maison n'est pas pourvue de tours.
Il faut un sous-sol et, au-dessus du rez-de-chaussée, au moins deux étages.
L'ardoise est la seule couverture admise et le zinc ne doit pas être ménagé.
Quant à la maison des ancêtres, elle est soit rasée, soit transformée en ferme.
Aujourd'hui, le vent a tourné.
Plusieurs châteaux du XIXᵉ ont déjà été rasés, par contre, on restaure les vieux logis.
Mais le département de la Vendée reste encore riche de belles demeures.
Jusqu'à la fin de la guerre de Cent Ans, le Bas-Poitou se trouva être une zone frontière, sur trois côtés.
Au nord et à l'ouest, il était bordé par l'Anjou et la Bretagne, au sud, par l'Aunis et la Saintonge, qui dépendaient de l'Aquitaine.
En principe, toutes ces provinces faisaient partie du royaume de France.
Mais, si leurs souverains rendaient effectivement hommage au roi, pour tout le reste, ils étaient à peu près indépendants, et même parfois en conflit ouvert avec leur suzerain.
Ainsi, lors de la guerre pour la succession de Bretagne, les Blois Penthièvre reçurent l'appui du roi de France, alors que les Montfort étaient soutenus par les Anglais.
Et ce furent les Montfort qui gagnèrent.
Mais, c'est surtout après le mariage d'Aliénor d'Aquitaine avec le nouveau roi d'Angleterre, qu'un état de guerre quasi permanent exista entre Aquitaine et France.
Le Bas-Poitou fut même un moment anglais, mais redevint français avec Saint-Louis.
Pour protéger ses frontières, il fut nécessaire de construire des châteaux-forts, qui ne faisaient pas réellement partie du domaine royal, mais étaient tenus par quelques grandes familles, supposées fidèles.
Les plus importantes furent les Thouars qui possédaient Thouars et Talmont, les Parthenay à Vouvant et Mouchamps et les Belleville à Belleville, Montaigu et La Garnache.
Les terres de ces grandes familles, rarement contiguës, se sont agrandies et enchevêtrées grâce à des mariages.
Cela occasionne des conflits, d'autant que certaines de ces familles sont du parti anglais, alors que leurs voisins sont demeurés fidèles au roi de France.
Chaque grande famille se constitue donc sa petite armée et sa résidence principale devient une véritable forteresse.
Une gravure ancienne de Balleyguier nous montre le château de Tiffauges comme un petit Carcassonne, avec une vaste enceinte flanquée de douze grosses tours, deux portes fortifiées et, auprès de l'une, un important château.
Le château de Talmont, aujourd'hui encore plus ruiné, devait être de la même importance.
Beaucoup de ces châteaux-forts disparaissent totalement durant la guerre de Cent Ans.
Cependant, certains sont reconstruits par quelques grands seigneurs, qui continuent à résider dans le pays jusqu'à la fin du XVIème siècle.
L'amiral Philippe Chabot fait édifier à Apremont un magnifique château Renaissance qui, s'il était encore intact, serait le Joyau de la Vendée.
Une nouvelle famille, les du Puy du Fou, dont le chef a accompagné François 1er en Italie, fait construire, à la place d'une ancienne demeure féodale, un château dans le style de ceux des rois sur les bords de la Loire.
Aux Essarts, le duc d'Étampes ajoute à l'ancien donjon du XIIe une somptueuse demeure, qui ne sera pas épargnée par les colonnes infernales.
On pourrait encore citer Sigournais, édifié par les Sainte-Flayve, le Parc Soubise et Palluau.
Mais, au début du XVIIe siècle, nos grands seigneurs s'ennuient en Bas-Poitou.
Paris, puis Versailles les attirent.
Ils laissent leur château de province à un régisseur, ou parfois même au fermier de la seigneurie qui trouve la maison trop grande.
Il commence par en habiter une partie, mais, le plus souvent, il préfère sa maison particulière dans le voisinage.
Le château se dégrade alors peu à peu.
Les propriétaires demandent de l'argent pour mener leur vie fastueuse, mais ne laissent rien pour l'entretien de ce château désormais inutile.
On va même jusqu'à raser une partie du château d'Apremont pour payer certaines dettes.
Aujourd'hui, ces demeures sont en partie ruinées.
Mais certaines gardent encore de beaux restes, que l'on cherche à conserver et qui méritent nos visites.
Ils constituent pour nous un souvenir de l'ancienne grandeur de notre pays.