Le Feu
J'aime vous voir réunis autour du feu, à chaque veillée d'hiver.
Le feu, c'est la magie chaque fois renouvelée de la chaleur et de la lumière.
Feu de la Saint-Jean où je dansais avec les filles et les gars du temps de ma jeunesse, comme vous aujourd'hui.
Feu de sarments sur lequel nous faisions griller les châtaignes et les premières pommes de terre qui commençaient une timide apparition dans le bocage.
Feu de l'âtre qui chauffait péniblement la maison au creux de l'hiver.
Quand je vous vois craquer une minuscule tige de bois et faire naître la flamme d'une brassée de sarments, je crois rêver !
Saviez-vous qu'après le grand désastre, il nous fallut réinventer le feu, en faisant jaillir des étincelles avec des pierres dures !
Ce feu, on le cultivait, on le dorlotait.
On conservait les braises sous la cendre et on les échangeait de maison en maison.
Les femmes, qui ne pouvaient entretenir un feu toute la journée venaient quémander (demander) chez la voisine une pelletée de braise ou bien remplissaient l'écuelle de leur chauffe-pieds.
L'hiver, on voyait partir de bon matin les bergères vêtues de leur cape de droguet, quenouille au coté, tenant d'une main un bâton, de l'autre la chaufferette en terre où les braises jetaient de petites lueurs rouges.
Dans les rares maisons qui disposaient de plusieurs pièces, la salle commune, ouvrait ses deux yeux, c'est-à-dire la chaleur et la lumière qui se perpétuaient dans la cheminée devant laquelle la maisonnée s'entassait pour la veillée.
J'aime vous voir réunis autour du feu, à chaque veillée d'hiver.
J. Maupillier (garde)