Légende de Noël (Ne pas déranger les bêtes)
Les anciens vous le diront :
autrefois il valait mieux ne pas pénétrer dans les étables pendant la nuit de Noël surtout à l'approche de minuit.
Vieille croyance encore vivante dans la contrée jusqu'au milieu du siècle.
La légende qui va suivre a été, comment c'est souvent le cas, fortement moralisée.
En effet au siècle dernier, les autorités religieuses s'efforçaient de "christianiser" les anciennes superstitions. Le récit pouvait impressionner.
Il avait pour buts d'inciter les paroissiens à respecter la religion et de leur faire songer au salut de leur âme.
La veillée de Noël débutait dans chaque famille par la mise en place et la bénédiction de la "cosse de Nô" (bûche de Noël) suivant un cérémonial traditionnel.
La bûche allumée, les grandes personnes se préparaient à veiller, tandis que les enfants, leur prière faite, s'en allaient dormir mais non sans avoir auparavant apporté au coin de l'âtre, leurs petits souliers bien cirés.
Quand le petit Jésus descendrait par le trou noir, il ne manquerait pas de les voir et de les remplir de bonnes choses.
Leur maman leur avait répété cela bien des fois, ils pouvaient dormir et rêver de trésors merveilleux.
De trésors justement il n'en était guère dans les masures de paysans !
Aussi, même à la veille de Noël, on travaillait.
Les femmes tricotaient ou filaient la laine et la filasse, soit à la quenouille, soit au rouet.
Dans les maisons les plus nombreuses et spécialement au bourg, les hommes jouaient aux cartes en buvant quelques verres de vin du pays.
Au cours de ces veillées, l'on savourait la douce chaleur que dégageait la grosse bûche rongée par la flamme.
Les vieux rêvaient des noëls de leur jeunesse et s'abandonnaient à évoquer leurs souvenirs que tous écoutaient religieusement.
Les vieux racontaient que jamais le maître de maison ne se couchait sans avoir fait sa ronde aux étables.
Mais le soir de Noël, au lieu de la faire en fin de veillée, il la faisait au début.
En effet, il ne fallait pas déranger les bêtes la nuit de Noël, car elles ont reçu du créateur le privilège de parler et même de prier en ce moment sacré.
Un paysan s'entêta à vouloir visiter son étable une nuit de Noël.
A peine eut-il fait quelques pas dans le bâtiment qu'il entendit une voix profonde :
"Qué-t-au qui f'rons demain ?"
disait un des grands bœufs couché.
Son compagnon répondit sourdement :
"I irons charrier dau bois pour faire le cercueil de not ' maitre".
Le fermier sentit son sang se glacer.
Il rentra précipitamment à la maison, et quelques jours plus tard il mourut !
Les vieux ajoutaient même qu'au Sanctus de la messe de minuit, le bétail se mettait à genoux et priait.
Un gars ne voulait pas croire à ces légendes.
Pénétrant dans son étable comme sonnait le Sanctus, il avisa un bœuf immobile qui semblait oublier de ruminer.
Le gars lui donna un coup de pied :
"Dors-tu Maréchau ?"
Le boeuf :
"Non je prie et toi tu t'en vas demain pour avoir tué ma prière".