La guerre de Cent Ans *
Oppose de 1337 à 1453 le royaume d’Angleterre et celui de France, n’a pas, comme on le croit trop souvent, des origines exclusivement dynastiques.
Elle est aussi le fait de luttes territoriales, commerciales et politiques complexes.
En 1066, lorsqu’il s’empare du trône d’Angleterre, Guillaume le Bâtard (1027 – 1087), duc de Normandie, plus connu sous le surnom de "Guillaume le Conquérant", se trouve dans une situation qui résume la complexité et les limites du système féodal.
En tant que duc de Normandie, le nouveau roi d’Angleterre est également vassal du roi de France.
Les rois d’Angleterre s’acquittent de plus ou moins bonne grâce de l’hommage qu’ils doivent à leur rival.
En 1152, quand Henri Plantagenêt, duc d’Anjou (1133-1189), épouse Aliénor d’Aquitaine (1122-1204), dont le mariage avec le roi de France vient d’être annulé, cette dernière lui apporte des territoires considérables.
Ce vassal du roi de France règne désormais sur l’Anjou, le Maine, mais également le Poitou, la Normandie et l’Aquitaine.
Et quand, par le biais d’une succession complexe, Henri monte sur le trône d’Angleterre en 1154, la situation devient problématique.
Ce vassal du roi de France, devenu roi d’Angleterre, règne sur plus de terres françaises que son suzerain !
Durant les 100 années qui suivent, de nombreux conflits opposent les descendants d’Henri Plantagenêt aux rois de France, rééquilibrant quelque peu la situation en faveur des Français.
La donne change en 1328 avec la mort du dernier fils de Philippe le Bel (1268-1314), qui disparaît sans laisser d’héritier mâle vivant, comme ses deux frères avant lui.
Le "miracle capétien", qui avait vu les rois se succéder sans interruption dynastique depuis le Xème siècle, prend fin.
C’est Philippe de Valois (1293-1350), cousin des trois derniers rois défunts, qui monte sur le trône en 1328, sans déclencher la moindre protestation de la part du souverain anglais, Édouard III (1312-1377).
En 1337, un conflit oppose Philippe VI de France (1293-1350) à Édouard III au sujet de la question écossaise, mais surtout de luttes politiques en Flandre, riche province dont les Anglais dépendent, car ses industries textiles florissantes servent de débouché à la laine anglaise, une matière première que l’on a présentée comme le "pétrole du Moyen Âge".
Philippe VI prononce la confiscation du duché de Guyenne, dont le roi d’Angleterre est le suzerain, pour félonie.
La méthode est habituelle.
Les rois de France y recourent depuis deux siècles.
Mais, cette fois, Édouard III se rebelle et fait connaître ses prétentions au trône de France.
Sa mère, Isabelle, est la fille de Philippe le Bel, sœur des trois derniers rois capétiens.
Édouard fait valoir que la couronne de France devrait lui revenir, en tant que seul héritier mâle direct.
L’argument est avancé près de 10 ans après la succession.
Mais il permet à Édouard de décréter qu’il ne tolère plus que, au prétexte des lois féodales, le roi de France saisisse ses biens au moindre conflit entre leurs deux royaumes.
Exaspéré par l’attitude profrançaise du comte de Flandre, Édouard prononce un embargo de sa laine vers cette région.
Les bourgeois flamands, craignant la ruine, se soulèvent et poussent Édouard à se proclamer roi de France.
C’est chose faite en 1340.
La guerre peut commencer.
Elle débute mal pour les Français.
Vaincus sur mer à la bataille de L’Écluse (24 juin 1340), ils sont ensuite écrasés à la bataille de Crécy (26 août 1346) par la petite armée du roi d’Angleterre, dont les archers massacrent la fine fleur de la chevalerie française.
Les Anglais s’emparent ensuite de Calais.
Une trêve s’ensuit.
La guerre reprend en 1356.
Jean II le Bon (1319-1364), nouveau roi de France, se querelle alors avec le roi de Navarre, Charles le Mauvais (1332-1387), allié des Anglais, qui décident de tirer parti de ce conflit pour reprendre l’offensive.
Le Prince Noir (1330-1376), fils d’Édouard III, fait campagne depuis la Guyenne et pille tout sur son passage.
Le 19 septembre 1356, l’armée du roi de France lui fait face à Poitiers.
Le désastre est encore plus grand qu’à Crécy, car le roi de France est fait prisonnier.
Son fils, le futur Charles V (1338-1380), doit faire face à la montée en puissance d’une opposition menée au sein des États généraux par Étienne Marcel (1315-1358).
Charles parvient à en triompher en 1358, mais le roi son père demeure prisonnier.
En 1360, le traité de Brétigny (ou Calais) met un terme momentané à la guerre.
Le sud-ouest de la France reste aux Anglais, et le roi de France est libéré contre le versement d’une rançon colossale de 3 millions d’écus.
La mort de Jean II, en (1319-1364), voit l’avènement de Charles V, qui réorganise le royaume en profondeur.
Il confie le commandement de ses armées à Bertrand du Guesclin (1320-1380), qui écrase les Navarrais à Cocherel en 1364 et mène à partir de 1369 contre les Anglais une guerre de coups de main, refusant systématiquement la bataille.
En 1380, à la mort de Charles V, les possessions anglaises se sont réduites comme peau de chagrin.
La folie du roi Charles VI (1368-1422) a des conséquences catastrophiques pour la France.
Son armée est écrasée à Azincourt en 1415.
Charles VI signe, en 1420, le "honteux traité de Troyes", qui désigne Henri V d’Angleterre (1386-1422) comme son successeur et déshérite son propre fils, le futur Charles VII (1403-1461).
Ce dernier ne l’entend pas de cette oreille, et la mort d’Henri V, en 1422, lui redonne espoir.
L’irruption de Jeanne d’Arc, qui prend la tête de ses armées, lève le siège d’Orléans en mai 1429 et le fait sacrer à Reims en juillet, renverse pour de bon la situation.
Jeanne ne commanda jamais les armées du roi mais fut placée à leur tête, leur servant en quelque sorte d’étendard.
Son mysticisme communicatif joua un rôle déterminant à Orléans comme dans le sacre et redonna espoir aux partisans de Charles VII.
La reconquête du royaume étant bien engagée, le roi ne fit rien pour sauver du bûcher.
La Pucelle, devenue gênante.
La mort de La Pucelle ne change rien.
Les deux nations sont épuisées par cette guerre, et l’Angleterre n’a plus les moyens de la mener.
En 1450, les Anglais perdent La Normandie et, en 1453, l’Aquitaine.
La guerre de Cent Ans s’achève avec la perte de toutes les possessions anglaises en France à l’exception de Calais.
Elle contribue à forger l’identité nationale des deux pays, fait voler en éclats le carcan féodal, et le déclin de la noblesse frondeuse contre un pouvoir central de plus en plus solide.