Panem et Circenses
"Du Pain et des Jeux", le seul souhait, la seule convoitise de la "tourbe dégénérée des enfants de Romulus", fulminait le poète satirique Juvénal, stigmatisant la décadence de la plèbe de Rome.
Et les empereurs conscients qu'un peuple "qui bâille est mûr pour la révolte" ne laissèrent jamais les Romains bâiller, ni de faim (par des distributions mensuelles de nourriture), ni d'ennui...
Les feux et les spectacles furent le plus sûr instrument de leur absolutisme.
Ils y ont sciemment englouti des sommes fabuleuses (même les plus pingres, comme Claude ou Vespasien) pour assurer leur pouvoir.
A l'origine...
Les premiers Jeux (les "Ludi") étaient des manifestations équestres, dédiées à une divinité afin de se concilier ses bonnes grâces et de capter son énergie, momentanément incarnée dans les vainqueurs des courses.
Dans les premiers temps de Rome, ces spectacles avaient des objectifs plutôt "agraires"...
On s'adressait à Saturne pour les semailles, à Cérès pour les moissons, à Liber pour la vigne, à Paies pour les troupeaux...
Cette tradition remonterait à Romulus, mais le plein essor des Jeux se situerait a l'époque de Tarquin l'Ancien (au VIème s. av. J.-C.) qui fit construire le Circus Maximus (le "Grand Cirque") et décida la création d'une douzaine de Jeux annuels, à périodes fixes...
Ainsi, en avril, on célébrait Cybèle, la déesse Mère ; en mai, Flore, la déesse du Printemps ; en août, Romulus, le fondateur de la Cité...
Peu à peu, les chefs d'État, les généraux, fêtèrent leurs victoires en offrant au Peuple des représentations supplémentaires de "circenses" (de "Jeux du Cirque") que l'on reconduisit d'année en année.
Ces "commémorations" s'additionnant, on pouvait assister, à Rome, au IVème siècle, à plus de 182 jours de festivités par an...
Toutes, cependant, ne se déroulaient pas dans le "Cirque".
Certaines avaient un autre cadre : "L'Amphithéâtre".
Dans ce lieu, la violence était de mise.
Une autre tradition religieuse avait évolué.
Il s'agissait, dans ce cas précis, du culte que les familles romaines vouaient à leurs ancêtres.
Pour honorer leurs âmes, les Mânes, elles leur offraient des fleurs, des aliments...
Mais il fallait aller plus loin...
Pour apaiser leur courroux d'avoir quitté cette Terre, les défunts réclamaient des sacrifices sanglants, animaux... et humains, lors de combats de gladiateurs où, inévitablement, il y avait des victimes.
En 105 av. J-C , l'État reprit à son compte ce culte barbare.
Il ordonna des combats de gladiateurs pour protéger le peuple romain de la colère des dieux et des âmes mortes...
Au fil des siècles, on oublia le sens profond des "jeux"...
On y assista par désœuvrement, pour l'émotion des courses, mais aussi pour le plaisir immonde de voir couler le sang...
Ce n'est que convertis au christianisme (dont ils avaient tellement persécutés les adeptes) que les Romains rougirent de cette honte invétérée et qu'en 404, un édit d'Honorius interdit les tueries de l'arène.
Ces Jeux, tellement prisés des citoyens romains, duraient des journées entières... et même jusqu'à la nuit tombée.
Nous irons pour ce premier séjour dans l'antique Rome, assister aux Jeux par excellence, les "Jeux du Cirque"...
Ils attiraient une foule très nombreuse et, souvent, l'Empereur les honorait de sa présence...
Au "Circus Maximus'', il se situe entre les collines du Palatin et de l'Aventin, dans la petite vallée Murcia.
Le fond de la vallée forme la piste avec son sol souple et sablonneux, idéal pour amortir les chutes.
Les gradins s'étagent sur les collines environnantes.
Les bancs de bois peuvent recevoir 150 000 spectateurs...
La piste s'enroule sur 568 mètres autour de son "épine dorsale", la spina, une longue terrasse ornée de statues de divinités et de l'obélisque du pharaon Rarnsès H, ramenée d'Egypte par l'Empereur.
A chacune des extrémités de la spina, les fameuses bornes de pierre (les metae) autour desquelles devront virer les attelages.
Entre la piste et les gradins, un large fossé empli d'eau, "l'euripe", protège les spectateurs.
Il y avait autrefois des rampes de fer, mais un jour, des éléphants affolés les renversèrent et tuèrent plusieurs assistants...
César fit creuser "l'euripe" pour éviter d'autres accidents.
Mais... attention... l'Empereur Auguste entre avec sa suite...
Il occupe, sur le flanc du Palatin, une magnifique loge de marbre.
Aussitôt la foule se lève d'un sursaut unanime et lui adresse, en agitant des mouchoirs, une vive acclamation...
Déjà, les concurrents de la première course sortent des écuries situées à l'une des extrémités de la piste.
Ils viennent occuper la place que le sort leur a assignée, dans un ordre impeccable et une mise éclatante.
Les chars sont richement décorés, ce ne sont pourtant que de simples caisses montées sur deux roues...
Ils sont ainsi très légers, mais aussi très fragiles et faciles à renverser.
Chacun est tiré par quatre chevaux : c'est une course de quadriges...
Les bêtes s'avancent, un rameau sur la tête, la queue relevée par un nœud très serré, la crinière constellée de perles, le poitrail couvert de plaques étincelantes et d'amulettes, montrant à leur encolure un mince collier et un filet teints de la couleur de leur écurie.
Les conducteurs, les "auriges", attirent eux aussi, tous les regards.
Debout sur leur char, casque en tête, fouet en main, bandes molletières enroulées autour des jarrets et des cuisses, ils sont vêtus d'une casaque de la nuance de leur écurie.
Autour de leur corps s'enroulent les rênes, qu'en cas d'accident, ils trancheront du poignard suspendu à leur côté.
Aujourd'hui, le célèbre Scorpus conduit un quadrige...
Il a déjà gagné plusieurs centaines de prix... est l'idole de la foule et surtout des femmes...
Son nom est sur toutes les lèvres, son portrait dans toutes les maisons.
Il est pourtant d'humble origine, comme tous ses collègues...
C'est un esclave, mais il a été affranchi par l'Empereur grâce à ses succès.
Il est devenu fabuleusement riche.
Il se fait payer à prix d'or par son écurie qui veut à tout prix le conserver.
De plus, à chaque victoire, il touche une bonne somme, augmentée d'un cadeau de l'Empereur.
Son destin fait rêver les Romains : la force, la fortune, la gloire à un tout jeune âge...
Mais aussi le danger permanent de mourir sur la piste...
Dans le Cirque, les chevaux piaffent...
L'organisateur des Jeux, un haut magistrat, spectaculaire dans sa tunique écarlate et sa toge brodée d'or, accomplit le geste décisif.
Au son de la trompette, il jette du haut de sa tribune une serviette blanche.
C'est le signal du départ...
La fièvre s'empare alors du public aussitôt que la poussière vole sous la roue des chars.
Les spectateurs tremblent de crainte et d'espoir...
Car ils ont parié, souvent de fortes sommes, sur les quatre écuries, les "factions".
Les Verts, les Bleus, les Blancs et les Rouges.
Chacun mise sur sa couleur favorite.
Le peuple préfère les Verts, les sénateurs et les riches plutôt les Bleus...
Les patrons des différentes écuries s'inquiètent, eux aussi.
Ils attendent le gain des courses pour entretenir un nombreux personnel : entraîneurs, vétérinaires, tailleurs, bourreliers, gardes d'écurie, palefreniers, panseurs, abreuveurs...
La passion monte au fil des tours de piste...
Les quadriges mènent un train d'enfer...
Chaque passage des metae est un moment dangereux et décisif !
Si la borne est serrée de trop près, le Mosaïque du char risque de l'accrocher et de s'y briser !
Si le tournant est pris trop large, l'attelage perdra son avance ou sera heurte par le suivant !
Tout dépend de l'adresse de l'aurige et des deux chevaux extérieurs.
Au lieu d'être attelés au joug comme les deux du milieu, ils sont attachés par une corde et dirigent l'ensemble.
Celui de droite, à l'aile marchante, celui de gauche au pivot...
Ces bornes, il faut en franchir treize au cours des sept tours de piste... sept tours symbolisant l'errance des sept planètes (connues à l'époque) et la succession des sept jours de la semaine...
Sur la spina, se trouvent, en alternance, sept oeufs de bois colossaux et sept dauphins de bronze.
A chaque tour, on retourne un oeuf et un dauphin pour que chacun sache où en est la course.
Au dernier tour, la foule excitée, hurle, encourageant sa faction...
Une tempête d'acclamations et d'applaudissements salue le vainqueur qui reçoit son prix des mains mêmes de l'Empereur...
Il faut maintenant que les esprits s'apaisent...
Une course de voltige va permettre aux spectateurs de se détendre...
Les cavaliers doivent, toujours au long des sept tours de piste, effectuer sur leur monture, toutes sortes d'exercices difficiles : Manier les armes, se tenir à califourchon, agenouillé ou couché sur le cheval au galop ; ramasser une étoffe sur la piste et même franchir un quadrige d'un bond prodigieux...
Le spectacle est passionnant car chacun des participants redouble d'audace.
La journée au Cirque comporte une douzaine de courses de chars ou de voltige...
Pour ne pas perdre leurs places, les spectateurs ne les quittent même pas pour se restaurer.
Ils déjeunent sur place avec ce qu'ils ont apporté ou ce qu'ils achètent aux innombrables marchands ambulants...
Ils lient conversation avec leurs voisins et discutent...
De quoi... ?
Devinez...
De courses, bien entendu... !
Quand le soleil disparaît à l'horizon, épuisé par tant d'émotions, les Romains se dirigent vers le grand banquet offert par l'Empereur... ainsi les esprits se calmeront, les perdants seront consolés...
D'ailleurs, les courses terminées, on pense déjà aux prochaines festivités...
Bientôt d'autres Jeux, encore plus palpitants, se dérouleront, cette fois, à l'Amphithéâtre...
1er mai (Fête du travail)
Le premier Mai 1886, une grève, durement réprimée, a lieu à Chicago.
Les manifestants réclament la journée de 8 heures.
En 1889, la IIème Internationale (groupement de prolétaires du monde entier) décide que cette date du 1er Mai sera un jour de grève pour tous les travailleurs des pays industrialisés qui reprendront, à leur compte, cette revendication.
En France, la première manifestation a lieu le 1er Mai 1891.
Elle reste tragiquement célèbre, à Fourmies, dans cette ville où les mineurs du Nord souffrent de conditions de travail particulièrement pénibles.
La troupe intervient et une fusillade éclate.
Bilan : 9 morts (dont 2 enfants et 4 jeunes filles) et 35 blessés.
Ces fameuses 8 heures de travail ne sont obtenues par les ouvriers qu'en 1919.
En 1907, le muguet apparaît à la boutonnière des manifestants et en 1947, le premier Mai devient jour chômé et payé ...
Mouchamps et Georges CLEMENCEAU (1841-1929)
MOUCHAMPS est une petite cité de caractère classée "Petites cités de caractère".
Le village de Mouchamps est juché sur un escarpement rocheux qui domine la sinueuse rivière du Petit Lay.
Ici, tout est mis en œuvre pour garder le caractère pittoresque du vieux bourg.
Plantations en pieds de murs, ruelles escarpées, chaussées typiques et coteaux aménagés.
A l'abri des regards, découvrez le Colombier, lieu de mémoire incontournable où repose le "Tigre" Georges Clemenceau.
Depuis plusieurs générations, les Clemenceau possédaient un domaine sur la commune de Mouchamps.
C'est dans le bois du Colombier que Georges Clemenceau repose auprès de son père.
Né en 1841 en Vendée, à Mouilleron-en-Pareds, il passe son enfance à l'Aubraie à Féole.
"L'obstination têtue" était de ces vertus qu'il revendiquait de ses racines vendéennes.
Médecin, journaliste, homme politique, il est Président du Conseil de 1906 à 1909, puis de 1917 à 1919.
L'histoire a retenu son action décisive pour la victoire lors de la Première Guerre Mondiale.
En 1929, il a choisi Mouchamps comme dernière demeure.
C'est là, auprès de son père, à qui il vouait une admiration sans borne, qu'il souhaitait être inhumé.
Il avait, par avance, réglé tous les détails de ses obsèques, refusant des funérailles nationales.
Comme le rappelle le panneau qui mène à sa sépulture, on peut être surpris d'une telle simplicité.
Seule une copie de la déesse Athéna, œuvre de son ami sculpteur Sicard, surplombe les deux sépultures jumelles.
Quand on chantait !!!
On chantait beaucoup dans notre bocage.
Tout l'environnement était source d'inspiration.
On chantait le travail du paysan, les métiers, les moulins, les animaux, les fêtes….
J'entends encore les vocalises des jeunes valets menant boire le bétail ou revenant des champs au crépuscule.
Leurs chants langoureux me séduisaient.
Que de fois aussi ai-je entendu "la chanson de toile" de la jeune fille de la ferme voisine.
A l'ombre d'un vieux châtaignier, elle exerçait sa voix argentine tout en filant la quenouille.
Les refrains s'unissaient aux chants des oiseaux d'alentour.
En toutes saisons, on entendait chanter le rémouleur, le marchand de peaux de lapins sur un ton monocorde, le sabourin à plein gosier, parcourant les rues de mon village.
Ils annonçaient leur passage pour solliciter la clientèle.
On chantait durant les travaux d'été.
On s'animait, on s'exaltait en chansons devant les derniers blés à faucher.
Le soir des vendanges particulièrement, après une journée bien remplie, les hommes s'assemblaient dans le cellier.
Le verre à la main, la casquette en arrière sur un visage grimaçant, ruisselant et rouge, adossés aux barriques, les disciples de Bacchus se réjouissaient de cœur en chansons.
Les chansons rythmaient également les étapes de la vie.
Ma grand-mère avait la charge d'endormir le dernier nè de la famille.
Je la revois dans un coin de notre vaste cuisine et je l'entends encore chanter de sa voix chevrotante et cassée la même chanson qui nous avait endormis.
La tête courbée sur elle-même, elle sommeillait parfois avant mon petit frère devant le berceau aux rideaux amidonnés.
Je crois que nous avons tous appris nos premières chanson quand elle nous faisait sauter sur ses genoux.
Le dimanche, en fin de soirée, il n'était pas rare de voir les groupes de jeunes s'en aller en chantant comme des fous à travers la campagne.
Mais, c'est surtout les jours de noces que la chanson trouvait son opportunité.
Pendant les repas, le vin aidant, toutes les voix se faisaient entendre. On assistait, alors à une cacophonie générale.
Le silence se faisait tant bien que mal et les meilleurs chanteurs et chanteuses étaient sollicités.
Aidé par "son papier", chacun piquait une pointe de fierté à chanter tous les couplets (30 à 40 parfois).
Le verre à la main, on entendait celui qui pouvait aller jusqu'au bout de sa chanson.
Et puis, après les compliments, venait la traditionnelle chanson de la mariée.
Le violoneux invitait ensuite à la dance.
Les noceurs s'en donnaient à cœur joie et même souvent à "l'avant-deux" accompagnait la musique de leur chants rythmés.
C'est encore en chansons que l'on conduisait les époux à leur demeure.
Quand la fête était terminée, n'entendait-on pas dans la fraîcheur du matin ?
On battait "le charivari" quand un veuf ou une veuve se remariait.
Dans les bourgs, on appréhendait les groupes d'hommes extravagants voire grotesques qui déambulaient dans les rues.
Un tintamarre accompagnait toujours le cortège au milieu de cris et de chansons entrecoupées de "you! you!" qui effrayaient les enfants réveillés.
Ainsi, les chansons conduisaient les hommes à la croisée des chemins aventureux.
C'était la chanson du chevalier quittant sa dulcinée pour aller à la guerre.
C'étaient nos ancêtres qui "chantaient au long des haies des strophes de foi et de feu"….
Au printemps de leur vie, les conscrits ramassaient les poules de village en village et sans se soucier de leur avenir, ils annonçaient à tous leur prochain départ sous les drapeaux.
Chansons d'hier…
Vieilles chansons folkloriques, cantilènes, chansons bachiques, mélodies ou romances mélancoliques, chansons à "ripouner", … je vous retrouve dans mon vieux cahier aux feuilles jaunies.
Malgré les craintes du lendemain incertain, malgré les soucis quotidiens qui pesaient lourd sur les cœurs, les chansons reprenaient le dessus et devenaient symboles d'espérance.
J. Maupillier (Garde)